Succession
Décryptage

Transmettre un bien immobilier avec la tontine 

par La rédaction - le 10/11/2021

Appliquée à un bien immobilier, la tontine permet de transmettre un bien acheté à deux au dernier vivant, sans que le bien entre dans la succession du défunt. Le point sur ses atouts et les précautions à prendre.

Indivision, SCI, démembrement de propriété… l’acquisition immobilière se prête à de nombreuses techniques d’ingénierie juridique et fiscale. Parmi elles : la tontine, laquelle, malgré son ancienneté, est toujours d’actualité. Conçue en 1653 à la demande de Mazarin par Lorenzo Tonti, un banquier napolitain, la tontine est un pacte selon lequel plusieurs personnes acquièrent ensemble un bien dont la propriété exclusive reviendra au dernier vivant.

Acquisition immobilière

Un couple peut acquérir un bien immobilier et, pour assurer la transmission de ce bien entre eux, insérer un pacte tontiner dans l’acte notarié. En vertu de ce pacte, dit aussi clause d’accroissement, la propriété du bien revient au dernier vivant en totalité et de façon rétroactive. Le coacquéreur survivant est considéré comme le propriétaire exclusif du bien depuis son acquisition.

Une transmission hors succession

La tontine est appréciée par les couples concubins ou pacsés, ainsi que les couples mariés sous le régime de séparation de biens, puisque qu’ils n’ont pas de droit dans la succession de l’un et de l’autre. Et s’ils peuvent se transmettre des biens par testament, il faudra tenir compte des droits des héritiers réservataires s’ils existent.

En effet, le recours à la tontine présente l’intérêt majeur d’opérer une transmission hors succession du prémourant. Comme le bien est considéré comme n’ayant jamais fait partie de son patrimoine, il n’entre pas dans la succession de l’acquéreur qui prédécède. En conséquence : le bien ne revient pas aux héritiers et n’est pas concerné par la réserve héréditaire, cette quote-part du patrimoine du défunt qui revient obligatoirement à ses héritiers.

Des droits de succession

L’opération n’échappe en revanche pas aux droits de succession. Du point de vue fiscal,  les biens sont réputés transmis à titre gratuit à chacun des bénéficiaires de l’accroissement. Ils sont calculés selon le degré de parenté prévu. Rappelons que les époux et les pacsés sont exonérés de droits de succession, mais pas les concubins.

Une exception cependant : lorsque la tontine porte sur l’habitation principale commune à deux acquéreurs, et qu’elle a une valeur globale inférieure à 76.000 euros, les droits ne sont pas dus.

Un contrat aléatoire

La tontine n’est pas une libéralité (donation, legs), elle entre dans la catégorie des contrats aléatoires. Ainsi, pour qu’elle soit valable, elle doit présenter un double aléa. Le premier aléa est « vital » : les chances des co-acquéreurs d’être réputé propriétaire exclusif du bien doivent être égales. Cet aléa repose sur une espérance de vie équivalente des deux acquéreurs. Par conséquent, leurs chances ne sont pas égales et l’aléa fait défaut s’il existe une grande différence d’âge importante entre eux, ou si l’un d’eux est atteinte d’une maladie puisque l’ordre des décès semble prédéterminé dès l’acquisition.

L’autre aspect de l’aléa est d’ordre économique ou financier. En acceptant la règle de l’accroissement au dernier vivant, chaque partie prend le risque de perdre son investissement puisqu’il ne tombera pas dans son patrimoine à son décès. Le financement doit donc être équilibré entre les parties.

Un risque de requalification

Si l’aléa vital et/ou l’aléa financier font défaut, le pacte tontinier n’est pas valable et ressemble de très près à une libéralité. Le risque est donc une requalification en donation déguisée par l’administration fiscale à hauteur de l’accroissement, ce qui emporte plusieurs conséquences. La donation est considérée comme ayant eu lieu dès la conclusion du pacte tontinier. Sur le terrain civil, l’opération peut entrainer des comptes à rendre aux héritiers réservataires du prémourant. Sur le plan fiscal, les droits de donation seront exigés, et dus entre époux et pacsés, contrairement aux droits de succession.

La rédaction

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